Avis École Internationale Antonia Montpellier, avis donné à la justice par un Enseignant-Chercheur
Madame le Juge,
Sans vouloir interférer dans des affaires intimes et délicates, je vous livre ce témoignage pour vous décrire les vives réticences que j’ai éprouvé vis-à-vis de l’établissement scolaire Antonia lorsque je cherchais à scolariser ma première fille à Montpellier. Pour ce faire, je vous présente quelques éléments de mon contexte avant les principaux éléments qui m’ont conduit à renoncer au choix de cet établissement.
Ma famille et moi avons déménagé de XXX à Montpellier au cours du dernier trimestre 2021. J’ai saisi l’opportunité professionnelle que j’ai eu d’occuper un poste de maître de conférences en sciences de gestion à l’institut Agro et ma compagne, a accepté que toute la famille me suive dans cette nouvelle vie.
À ce moment, mon enfant était déjà scolarisée dans un établissement catholique sous contrat et il n’était pas question pour nous de la déscolariser bien qu’elle n’ait pas encore tout à fait atteint l’âge de trois ans.
Partant, nous avons entamé des démarches de recueil d’informations sur les établissements scolaires montpelliérains auprès de tous les interlocuteurs en ayant fait l’expérience que nous pouvions trouver. Pour des raisons qui m’échappent, la forte récurrence des opinions négatives vis-à-vis des établissements publics a toujours été prééminente chez eux.
Aussi, compte tenu de notre quartier de résidence, on nous a conseillé de porter notre choix sur un établissement privé. Nous habitions à près de 1.000Kms à ce moment-là et les avis des uns et des autres récoltés çà et là ont fait naître chez nous une hyper-vigilance, peut-être abusive et l’éloignement géographique a sans doute exacerbé le phénomène, au sujet de la scolarité des enfants et de leur bien-être dans ce cadre. Nous avons donc commencé à nous renseigner abondamment sur les établissements privés proches de notre lieu de vie.
Au commencement, nous avons cherché à savoir si des établissements spécifiquement portés sur la question du haut potentiel existaient.
Le phénomène des pédagogies alternatives présupposèrent adaptées à la (neuro-)diversité des élèves se développant, je voulais qu’on en ait une vision claire. Car j’ai remarqué chez mon enfant, tout comme son pédiatre traitant qui la suit depuis sa naissance et d’autres vus au fil de l’eau, des caractéristiques, notamment le langage et la curiosité , qui laissent penser sans trop de surprise au HPI lorsqu’on connaît ce sujet.
Or, le lien héréditaire étant établi , si tel était le cas pour XXX, je ne voulais pas qu’elle expérimente l’École comme je l’ai vécue. Deux nous ont été recommandées à Montpellier, l’école Antonia et l’école Eridane . Concernant cette dernière recommandation d’un parent d’élève inscrit, la simple lecture d’éléments récents au sujet de maltraitances présumées a éveillé une méfiance suffisante pour que je m’interdise de continuer mes recherches sur cet établissement .
Quant à l’école Antonia, par un contact via le formulaire en ligne du site nous ont été renvoyés deux documents présentés en annexes (Annexes 1, 2, 3). À partir d’eux, j’ai commencé à approfondir mes investigations.
Là, plusieurs éléments ont réveillé une hyper-vigilance :
- Le prix
- Le cadre hors contrat
- Le symbole de marque déposée
- Le lexique de la complexité
- L’auteure de la « pédagogie du sens »
Ayant une vocation professionnelle de service public, croyant dans les valeurs qu’il porte et notamment celle de l’accès au savoir à tous, j’ai d’abord été frappé par le coût très élevé de la scolarité. Je m’indignais qu’on puisse monnayer au prix fort le savoir, d’ailleurs essentiellement issu des travaux des enseignants-chercheurs et/ou chercheurs du service public dans le monde, surtout à une époque où il est accessible en quelques clics sur les internets.
Mes utopies se sont éteintes depuis longtemps, je travaille dans ce milieu et les sociologues de la domination ont montré le phénomène, mais je persistais à croire qu’on puisse proposer quelque chose de convenable à ceux qui en éprouvaient le besoin en tenant compte des niveaux de vie réels. Car si on se place d’un point de vue statistiques d’un côté et qu’on prend en compte le coût de la vie, de l’autre, peu d’entre nous me semble-t-il sont en capacité de consentir cet effort financier .
Toutefois, le cadre établi de l’établissement hors contrat a vite tempéré l’effet que j’ai eu. C’était logique d’un point strictement économique que ce coût.
Mais ce cadre du hors contrat a fait émerger d’autres interrogations, et précisément celles du contrôle et de l’évaluation des enseignements dispensés. Loin de moi l’idée de penser que les innovations pédagogiques, même marginales et aux propriétés encore émergentes, sont incohérentes puisqu’il y a à l’évidence des besoins, mais elles doivent désormais s’effectuer à mon sens de manière concertée avec les publics, les collègues au sens large et être évaluées au plus proche de ce qu’elles prétendent surtout lorsqu’il s’agit de jeunes enfants.
Or là, le cadre institutionnel du hors contrat permet des tâtonnements dont l’évaluation des effets n’aura lieu que plusieurs années ex post.
De ce point de vue, et au-delà des impératifs du socle commun qui se révèlent insuffisants au regard des évaluations internationales , comment ne pas penser que les itérations auxquelles l’innovation en question va devoir se confronter, et on peut les imaginer nombreuses par expérience d’enseignement et si on conçoit simplement la distance qui sépare le réel de l’idéel, ne vont pas se faire au détriment de cohortes de jeunes enfants passés par là sur une période donnée.
Ce deuxième point d’achoppement a été amplifié par le symbole de marque déposée à côté de la notion de « pédagogie du sens » . Cette apposition qui renvoie immédiatement à l’idée d’échange marchand a continué de susciter de la méfiance vis-à-vis de l’établissement . Je suis immergé dans un milieu de chercheurs et elle me paraissait saugrenue.
Les professionnels du monde des idées, et surtout ceux qui ont une vocation théorique, puisque c’est essentiellement le cas ici en première intention que la tentative d’une perspective intellectuelle concrétisée, ont rarement cette idée économique en tête lorsqu’il s’agit de la diffusion de leurs idées. Leur intention est plutôt d’essayer d’apporter une contribution au champ de recherche qu’ils investissent. Cette fois, il s’agissait donc moins de la question du coût ou de celle de l’évaluation des méthodes et de leurs effets que celle des intentions.
De là, j’ai entamé des recherches sur son auteure, Nathalie Alcaras-Will , et je n’ai pas trouvé de travail académique validé comme une thèse de doctorat par exemple, examen qui sanctionne l’aboutissement d’un travail de recherche et autour duquel une discussion scientifique avec des futurs pairs expérimentés s’engagée (parfois âprement) au cours d’une soutenance publique.
Néanmoins, j’ai découvert trois essais publiés chez l’éditeur Filosphère. Aujourd’hui rendu au Tome 3, on est instantanément plongé dans le lexique de la complexité . Puisque le paradigme de la complexité a été celui de ma thèse, j’ose croire que je le connais plutôt bien et me méfie beaucoup de ceux qui usent de ses termes qui font référence à un processus car il n’est pas rare d’entendre un usage à vocation rhétorique plutôt que reposant sur des travaux formels.
Par ailleurs, les chercheurs qui travaillent dans ce paradigme se présentent rarement comme visionnaires ou magiciens, c’est même plutôt le contraire.
Ils sont philosophes des sciences, mathématiciens, informaticiens, biologistes, chercheurs en sciences sociales, etc. Or, c’est bien le sentiment que j’ai éprouvé en lisant les quelques lignes de présentation du Tome 3 sur le site de l’éditeur, tout cela en référence à Edgar Morin, peut-être pour tenter d’y trouver une légitimité auprès d’une personnalité connue du grand public :
« C’est à partir d’une vision de l’humanité qu’est née la Pédagogie du Sens©, révélant au fil du temps et comme par magie ses liens féconds avec la pensée complexe, telle que proposée par Edgar Morin. Les enfants pensent en arborescence. Au moment où ils construisent leur rapport au monde, les possibles semblent infinis, un mot conforte une image, renvoie à une sensation et revient en réelle créativité. »
Cette dynamique de la vie, est portée par la Pédagogie du sens© immergée dans un écosystème fertile qui repense en cohérence le fonctionnement complet de son école, tant au niveau du management que des pratiques pédagogiques. Après les deux livres précédents qui en étaient les prémisses, ce troisième ouvrage offre enfin la quintessence de ce système pédagogique unique, basé principalement sur les intelligences multiples, sur les projets annuels et sur le bilinguisme, tels qu’appliqués à l’école Antonia à Montpellier. »
Ces concepts juxtaposés les uns aux autres achevaient ma réflexion vis-à-vis de l’établissement et je décidais de cesser de m’y intéresser.
Madame le Juge, je pourrais continuer d’écrire mes ressentis, voire analyser sur des dizaines de pages les contenus (je pense sincèrement que c’est un cas d’étude pour les étudiants en information-communication), mais je ne trainerai pas en longueur un courrier déjà dense.
Cependant, j’espère que vous ne mésinterpréterez pas mon propos : je crois sincèrement que des perspectives pédagogiques alternatives doivent émerger (ne serait-ce que pour corréler les avancées des neurosciences qui montrent désormais nos différences grâce aux avancées technologiques en matière d’imagerie cérébrale).
Toutefois, me concernant, mes quelques recherches m’ont convaincu que cet environnement de l’école Antonia était trop nébuleux.
Finalement, c’est grâce à notre voisinage, soucieux de notre bien-être pour notre installation, que nous avons trouvé un établissement scolaire pour XXX qui se rend chaque matin à l’école privée sous contrat Sainte-Geneviève, dans le quartier Alco.
Là, comme l’établissement où je travaille, la « pédagogie » est une affaire d’échanges entre collègues (puisqu’on commet bien évidemment des erreurs parfois), d’échanges avec des spécialistes (puisqu’il y en a), et de vie partagée avec les élèves.
1 - Selon la démarche contemporaine inclusive de la (neuro-)diversité, je sais qu’il existe désormais dans le secteur public un référent par académie sur le sujet des EIP. Toutefois, un contact téléphonique avec une association de parents-d ‘élèves concernés à Toulouse m’a fait douter de la pertinence d’allouer une ressource unique pour toute une académie, là où le phénomène concerne statistiquement un peu plus de 2% de la population générale selon la loi normale. Bien sûr, des guides institutionnels prenant en compte ces particularités fonctionnelles existent aujourd’hui, mais ils paraissent encore trop englobants et inadaptés aux spécificités personnelles. Ce n’est pas la mission du service public que la personnalisation, le sur-mesure, mais il y a tout de même des phénomènes statistiques suffisamment importants en ampleur, et en potentiels risques aussi, qui nécessiterait probablement une désacralisation des règles bureaucratiques.
https://www.education.gouv.fr/la-scolarisation-des-eleves-intellectuellement-precoces-9878
https://www.education.gouv.fr/bo/2009/45/mene0900994c.html
2 - Nous concernant au plan familial, d’autres éléments comme le sens moral et la dyssynchronie émotionnelle ont été remarqué il y fort longtemps.
3 - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4286575/
« […] nous concluons qu’une intelligence élevée est familiale, héréditaire et causée par les mêmes facteurs génétiques responsables de la distribution normale de l’intelligence. »
4 - https://ecoleantonia-montpellier.com/
5 - https://www.ecole-bilingue.com/
6 - Avérés ou pas, cette parent-d’élève m’a tout de même confirmé que la communication avec la direction était un obstacle imposant à franchir.
7 - https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/montpellier/soupcons-maltraitance-ecole-privee-eridan-montpellier-ecole-fonctionne-normalement-malgre-tourmente-1626371.html
8 - Pourtant, je connais bien le phénomène des « grandes écoles » de commerce, par exemple.
9 - https://www.insee.fr/fr/statistiques/6436313
10 - https://www.education.gouv.fr/le-socle-commun-de-connaissances-de-competences-et-de-culture-12512
11 - https://www.oecd.org/pisa/
12 - https://ecoleantonia-montpellier.com/methode-enseignement-maternelle-secondaire-34/
13 - Bien que j’avais supprimé de mon radar l’école Eridane, je commençais à me demander qui, de Charybde ou de Scylla, était le meilleur choix.
14 - https://data.bnf.fr/fr/16941840/nathalie_alcaras-will/
